Mon coeur chante ton requiem
- Sylberte Desrosiers
- Mar 19, 2019
- 4 min read
Updated: Mar 20, 2019
Ce matin, en me levant, j’ai pensé à toi. En fait, tu n’as pas quitté mes pensées depuis ton départ. Je me suis demandé à quel moment tout a basculé. Que s'est-il passé pour que tu en arrives là? Est-ce qu’en soufflant sur tes bougies d'anniversaire tu as souhaité qu'elles s'éteignent à jamais? J'aimerais tellement revenir en arrière et m'asseoir avec toi pour que tu te vides le coeur. Même si, théoriquement, il est trop tard, je veux quand même savoir. Sans te conseiller, surtout sans te juger, je voudrais simplement devenir cette oreille tant espérée.
Dans presque chacun de mes rêves, je t’ai cherché. Je t’ai écrit également. Par culpabilité probablement, car je n’ai pas su détecter que tu n’allais pas bien. J’ai attendu une réponse en me disant qu’au moment venu, tu m’enverrais un signe. Ce signe, je viens de le voir. Là, maintenant. Pendant que je me demandais quoi écrire pour mon prochain article, un oiseau a frappé à ma fenêtre. Même si je n’ai vu que son ombre, je sais que c’est toi qui venais me dire que c’était le bon moment pour avoir notre conversation. Je prévoyais t’offrir mon oreille, une fois que tu te sentirais prêt, mais je crois que ce ne sera pas suffisant. Je prête donc également ma plume à tes blessures pour qu’elles racontent ton histoire.

Je me disais que j’aurais le temps de venir te voir pour suivre quelques cours, mais j’ai attendu trop longtemps. Tu as emporté ta passion et tes souliers de danse avec toi. J’ai donc fermé les yeux pour visualiser une première danse qui serait aussi notre dernière. Te laissant me guider jusqu’aux profondeurs de ta peine. Scrutant le silence, j’ai réussi à entendre, bien que devenu murmure, le son familier de ta voix. Au même moment, les larmes se sont installées aux premières loges.
Tu as commencé en me disant que tu ne pouvais plus sourire alors qu’un immense chagrin te rongeait de l'intérieur. Tu n'en pouvais plus, mais tu ne voulais pas embêter les autres avec ce qui, selon toi, t'appartenait. Cette douleur était tienne. Tu t’étais même habitué à cet appendice, au point de redouter que l’on te l'enlève.
J’ai eu envie de te crier que tu avais tout faux, mais comme promis, je t’écoutais pour te comprendre et non pour te répondre.
Tu as continué en mentionnant que tu avais réfléchi longuement sur tes différentes options. À ce moment-là, le suicide te semblait la meilleure solution. Non, tu ne danserais plus, mais c'était minime pour toi. De nombreuses danseuses, peu expérimentées, t'ont écrasé les orteils. Pourtant, tu avais l'impression que c'était toi qui mettais tout le poids de ton fardeau sur elles. Tu te sentais pesant. Tu te sentais triste. Tu avais mal, très mal. En réalité, tu ne voulais pas vraiment mourir, juste arrêter de souffrir.

Ce repos que tu recherchais, je sens aujourd’hui à quel point tu en avais besoin. Tu étais fatigué de toujours mener le pas de danse. Contrairement aux croyances populaires, tu n’as pas commis ton acte par lâcheté ou par pur égoïsme. Au contraire. Tu as pensé à ta mère, ta famille, tes amis, mais encore une fois, tu ne voulais pas leur imposer TA douleur. Ils s'attendaient tous à ce que tu joues le rôle de Monsieur Sourires, en permanence, mais tu n'en étais tout simplement plus capable. Tu pensais être condamné à être parfait. Tu n'avais plus la force de faire semblant d'être quelqu'un que tu n'étais plus. Ton sourire cachait tellement de choses.
L’égo a pris le dessus, te faisant craindre le jugement des autres. J'imagine tes larmes, quittant ton corps en même temps que ton âme. Trop tard pour regretter. Il a fallu que tu avances vers cette lumière qui t'attirait à elle. Tu as sûrement essayé de revenir sur tes pas en prenant conscience de ce que tu venais de faire, mais ce n'était plus possible. Tu as été forcé de continuer à avancer, pour rejoindre ceux qui t’ont devancé, pour te sentir en sécurité.
« J'aurais dû vous le dire » furent tes derniers mots avant de déployer tes ailes.
Ne t’inquiète plus, vole bel ange, pars en paix. Tes gestes et tes paroles nous ont avertis, mais on n’a pas su déchiffrer le message. On t'a sûrement répondu que tu avais toute la vie devant toi... Pardonne-nous de ne jamais t'avoir demandé si tu en voulais encore de cette vie-là.

À vous qui me lisez, si pour une raison ou une autre, vous sentez que la vie n'en vaut pas la peine, sachez que, même s’il est parfois difficile de le voir, le soutien moral que vous recherchez n’est jamais bien loin. Priver le monde de votre lumière n'est pas la seule réponse à vos problèmes.
Aux autres, si vous avez le sentiment qu’une personne s’apprête à commettre l’irréparable, ne demeurez pas indifférents. Ce n’est pas toujours noir sur blanc, mais certains signes ne mentent pas. Ouvrez les yeux et surtout les oreilles, car même une bonne blague peut dissimuler un appel à l’aide.
Mister Swagger, ce fut un privilège de te connaitre. Je n’oublierai jamais ta grande élégance et ton charme suffisant pour 10. Merci pour le temps que tu m’as accordé. En ta mémoire, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour aider un autre qui pense à emprunter le même chemin que toi.
Association québécoise de prévention du suicide, sans frais, partout au Québec :
1 866 APPELLE (277-3553)
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