Les bons mentors sont rares, mais les menteurs sont légions
- Sylberte Desrosiers
- Nov 8, 2018
- 4 min read
Tout le monde veut réussir. On a tous un rêve à accomplir. Le problème, c’est quand on est prêt à se faire un nom à n'importe quel prix. Sans se méfier de l’oreille à laquelle on se confie. À trop vouloir suivre la pyramide de Maslow, j'ai fini par me faire avoir. Mais bon, ça aurait pu être pire. À la suite de la publication de mon article sur mes pertes de mémoire, une charmante dame m'a contactée. Ça tombait bien, je voyais son nom apparaitre depuis quelque temps sur mon fil d'actualité. Puisqu'elle évolue dans un domaine dans lequel je me sens fin prête à me lancer, son profil me semble intéressant. «Allons satisfaire notre curiosité!» Que nos personnalités ne concordent pas, c'est bien le pire qui pourrait arriver.
Nous échangeons sur Facebook, puis nous prenons rendez-vous pour quelques jours plus tard dans un café. Il faut battre le fer quand il est chaud. Je me suis rendue au point de rencontre, sans grandes attentes, mais la tête pleine d'idées. Son sourire, ah quel sourire! Il communiquait une joie de vivre que ses yeux s'efforçaient toutefois de nier. Quelque chose chez elle était différent de la première impression que son image virtuelle m'avait donnée.
J'avais dans ma poche une carte-cadeau de l'endroit juste en cas, mais ce ne serait pas pour cette fois. Elle a pris les devants en insistant pour me payer ma commande puisque c'est elle qui m'avait invitée. Nous nous sommes assises pour discuter. C'était très plaisant, je vous l'avouerai.
«Parle-moi un peu de toi.» Elle a su me mettre en confiance. Quand je repense à notre conversation, il y a des signes qui auraient dû me mettre la puce à l'oreille. Mais à cet instant-là, je ne ressentais pas le besoin de me méfier. Au contraire, je me sentais comme à un entretien d'embauche au moment où l'on nous annonce que nous avons le poste. L'emploi rêvé avec des avantages sociaux merveilleux et d'excellentes possibilités d'avancement.

Pendant que je lui raconte mon parcours, elle prend une grande respiration et, les yeux ronds comme des trente-sous, elle me lance: «Est-ce que tu crois en Dieu?» «Bien sûr, Dieu ne me laisse jamais livrer mes propres batailles. Les gens qui ont un mauvais dessein envers moi disparaissent de ma vie, parfois sans même que je m'en rende compte.» Ma bouche n'a pas tremblé en prononçant ces paroles. Mon cerveau, lui, n’a juste pas calculé que le chemin du mal peut être pavé de bonnes intentions...
Elle me parle de son entreprise, de ses aspirations, de son expérience. Elle me mentionne qu'elle trouve désolant qu'il y ait autant de compétition dans le domaine des communications. «Les gens ne veulent pas travailler ensemble, surtout dans notre communauté!» Entre femmes, il faut se tenir les coudes. Son école de pensée rejoint la mienne. «Seul on va vite, ensemble on va loin.» J'y croyais. Anti sociable, enfin de réputation, j'étais tellement fière de m'être fait une nouvelle amie. En fait, pas seulement une amie, mais une collègue, un mentor.
On se quitte en se promettant de garder le contact pour discuter d'autres projets. À peine dans la voiture, je lui envoie un texto pour lui dire que j'ai apprécié notre réunion. Elle me remercie pour mon temps et le partage de mon expérience. Notre rencontre l’a marquée. Ça sent la collaboration!
Je devais voyager, pour affaires, quelques semaines après, mais j'ai cependant dû faire un choix déchirant. Santé avant tout, je ne ferais pas partie de ce voyage tant espéré. J'ai une bonne idée de qui pourrait profiter de cette opportunité. À l'époque, je crois bien faire. Je présente donc à la haute direction celle qui pour moi représente la candidate idéale. Parce que dans mon coeur, elle l'était. Me sentant vraiment coupable de laisser tomber l'équipe, je voulais qu'elle le soit.
«La mort du cheval fait bien au chien» comme dit mon père. Je lui ai offert mon rêve sur un plateau d'argent.
Je n'attendais pas grand-chose en retour... enfin si. Qu'elle offre un support à mon équipe pendant mon absence et qu'elle mette les aptitudes qu'elle nous a vantées à la disposition du projet. On devait combiner nos forces pour que je puisse me reposer. Elle et moi, on formerait l'équipe du tonnerre. Ekip solid, comme on dit par chez nous!
Mais ça, c'était dans mon idéal. Parce que dans la réalité, moi qui dois reprendre des forces, je travaille pour deux. Plus la date approche, plus je réalise que je me suis fait beaucoup trop d'attentes. On dirait même qu'elle a plus besoin de moi que j'ai besoin d'elle. Oui, un jour l'élève doit dépasser le maitre, mais il me semble qu'il faut d'abord que le maitre enseigne quelque chose à l'élève. «Peux-tu envoyer ci ou ça, je ferai le suivi» «Je ne sais pas comment faire ça» Résultat, j'ai fini par régler les dossiers de a à z. Pour m’assurer de respecter l’échéancier, j'ai retroussé mes manches. J'ai trouvé de l’assistance ailleurs.
Je croyais avoir trouvé une guide, mais, celle que je pensais être ma Yoda m'a volé mon envie d'un jour redemander de l'aide, mon souhait de faire carrière dans un domaine que pourtant j'aime, mon énergie et mon temps... beaucoup de temps. Welcome to the Dark Side

J’ai tiré beaucoup de cette expérience, mais j'ai d’abord eu honte de moi. Un peu mal aussi. Parce que je voulais que ma carrière décolle coûte que coûte, j'ai confondu marchand de rêves et opportuniste. J'ai étouffé mon intuition pour qu'elle ne parvienne pas à ma raison. J'aurais pourtant dû savoir. J'aurais dû prévoir le coup, car ce n'est pas la première fois que cela m'arrive. Des myriades d'opportunités censées m'accompagner dans mon cheminement professionnel n’étaient en fin de compte que de belles fleurs sans odeur.
À cause de mon besoin de m'accomplir, j’ai fait fi des clauses obscures. J’étais prête à avaler l’élixir du Docteur Doxey. Chaque fois, ma réponse était la même: «no worries, si ça doit arriver, ça arrivera». Sauf que les pensées positives, bien ça ne suffit pas. Pour avancer, nous devons entreprendre nos propres démarches et nous entourer de personnes bienveillantes. Ne pas accepter les paroles à saveur de promesses électorales et exiger du concret. À la fin de la journée, chacun sert ses propres intérêts.
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